Lutte contre la surprescription d’antibiotiques chez les enfants : une innovation helvético-tanzanienne aux résultats prometteurs

18.12.2023

Une étude à grande échelle du projet DYNAMIC montre des résultats prometteurs : l’utilisation du nouvel outil numérique de décision clinique a permis de réduire de deux à trois fois la prescription d’antibiotiques. Ces résultats, qui viennent d’être publiés dans la prestigieuse revue scientifique Nature Medicine, marquent une étape importante dans l’endiguement de la résistance aux antibiotiques.

Photo: Magali Rochat, projet DYNAMIC

Lancé en 2021, le projet DYNAMIC a été initié par une collaboration internationale d’Unisanté, de l’Institut Tropical et de Santé Publique Suisse, de l’Ifakara Health Institute et du National Institute for Medical Research en Tanzanie et est soutenu par la Fondation Botnar et par la Direction du Développement et de la Coopération Suisse. Le projet se concentre sur l’amélioration des soins destinés aux enfants de 0 à 14 ans, dans des pays à ressources limitées. Une équipe, composée d’expertes et d’experts médicaux et informatiques suisses et tanzaniens, a poursuivi le développement de son outil ePOCT+ qui associe un algorithme d’aide à la décision clinique à quelques tests clés de diagnostic rapide. Cet outil guide les prestataires de soins tout au long du processus de consultation, en les incitant à évaluer les symptômes et les signes, à effectuer des tests si nécessaire, pour finalement proposer un diagnostic et un traitement approprié. Le tout est soutenu par une stratégie de mentorat des cliniciennes et des cliniciens basée sur la visualisation de leur propre prescription mensuelle de médicaments.

Résultats prometteurs dans le combat contre la surprescription d’antibiotiques

Dans le cadre d’un essai randomisé contrôlé en Tanzanie portant sur 44’306 enfants, l’ePOCT+ a été déployé dans 20 centres de soins ambulatoires, tandis que 20 autres centres ont continué à faire leur consultation comme d’habitude. Les résultats sont éloquents : l’utilisation de l’ePOCT+ a permis de réduire considérablement la prescription d’antibiotiques. Passant de 70 % des enfants qui en ont reçu à seulement 23 % d’après ce que les cliniciennes et cliniciens ont eux-mêmes indiqué (42% si l’on inclut celles et ceux qui n’ont pas utilisé l’outil). Il est essentiel de noter que cette réduction de la prescription d’antibiotiques n’a pas entraîné d’augmentation des échecs cliniques au 7e jour. En effet, les enfants pris en charge avec l’ePOCT+ ont guéri aussi rapidement que celles et ceux ayant reçu les soins habituels. En outre, aucune tendance vers un impact délétère n’a été observée en ce qui concerne les décès et les hospitalisations secondaires jusqu’au 7e jour.

L’urgence de l’action

La résistance des bactéries aux médicaments a causé 1,27 million de décès en 2019, constituant une menace mondiale aussi grave que le paludisme et le VIH réunis. L’utilisation inappropriée d’antibiotiques est un facteur majeur dans ce problème. En Tanzanie, la majorité des enfants malades en reçoivent lors d’une consultation, alors que 80 à 90 % de ces prescriptions sont inutiles et même délétères, en raison de leur effet destructeur sur la flore intestinale. Cette étude représente donc une avancée significative dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques, une urgence d’autant plus pressante que la découverte de nouveaux agents antibactériens se fait de plus en plus rare.

Des perspectives prometteuses pour les pays Nord

Bien que les résultats de cette étude soient déjà très positifs, l’équipe de recherche continue de travailler pour s’assurer que ces résultats restent vrais en conditions moins contrôlées et pour essayer d’améliorer et d’étendre l’utilisation de l’ePOCT+.

L’objectif est de comprendre quelles branches de l’algorithme sont vraiment utiles afin de le simplifier, et pourquoi certains prestataires de soins ne l’utilisent pas encore, ou pas correctement, afin d’optimiser son impact et pouvoir l’étendre bientôt aux adolescentes, adolescents et aux adultes. La publication du 18 décembre dernier dans la revue scientifique Nature Medicine est un jalon important qui pourrait favoriser une adoption plus large de cet outil ou d’un outil similaire. Ouvrant la voie à des soins plus sûrs et efficaces pour les patientes et les patients en Tanzanie et dans d’autres pays.

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