Nouveau projet pour la santé des enfants en Tanzanie

04.04.2019

La Fondation Botnar a octroyé un financement de 7 millions de francs suisses à des chercheurs lausannois, afin d’étendre le déploiement d’outils électroniques d’aide au diagnostic et au traitement. Basés sur des algorithmes, ils serviront à améliorer la prise en charge des enfants fébriles. Le projet de recherche est mené par Unisanté et l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en collaboration avec le Swiss TPH et deux instituts de recherche en Tanzanie : l’Ifakara Health Institute (IHI) et le National Institute for Medical Research (NIMR). Ce projet pourrait permettre d’éviter des millions d’échecs cliniques, ainsi que la prescription inutile de dizaines de millions d’antibiotiques par an, en Afrique et peut-être un jour en Europe.

Le nouvel outil mobile devrait permettre de mieux identifier les enfants atteints d'une maladie grave qui nécessitent un traitement immédiat, réduisant ainsi la mortalité. (Photo: Swiss TPH)

Chaque année, environ 3.3 millions d’enfants meurent d’épisodes fébriles aigus, en particulier dans les pays à ressources limitées. Le manque d’outils diagnostiques et de guidance clinique pour le personnel de santé de première ligne contribuent fortement à cette situation et induisent la prescription d’antimicrobiens inutiles « au cas où ». Environ 9/10 des enfants fréquentant les établissements de soins primaires en Tanzanie reçoivent un antibiotique, alors que seulement 1/10 en ont véritablement besoin. Cette surprescription est un facteur majeur de résistance aux antibiotiques, qui est l'un des plus graves problèmes de santé dans le monde et un enjeu sanitaire majeur. Lorsqu’une épidémie se déclare, les jeunes enfants sont les premières victimes d’infections résistantes sur lesquelles les antibiotiques de première ligne ne marchent plus et qui contribuent à leur tour à cette haute mortalité.

Nouveau fonds pour développer des algorithmes dynamiques

Grâce à sa longue expérience dans le développement d’algorithmes d’aide à la décision, qui guident les cliniciens de premier recours tout au long de la prise en charge de leurs patients fébriles, Unisanté a obtenu le soutien de la Fondation Botnar, une fondation suisse qui a pour but d’améliorer la santé et le bien-être des enfants et jeunes gens dans les zones urbaines du monde entier, en promouvant l’intelligence artificielle et l’innovation numérique. Ce financement d’un montant de 7 millions de francs va permettre aux équipes d’Unisanté, de l’EPFL, du SwissTPH, de l’IHI et du NIMR de développer de nouveaux algorithmes améliorés par le machine-learning et de les implémenter à plus large échelle. Intitulé DYNAMIC, le projet de recherche a débuté le 1er avril 2019. Il sera mené en Suisse et en Tanzanie durant cinq ans.

Première et deuxième génération d’algorithmes cliniques

L’identification de ces causes de fièvres en Tanzanie a permis le développement et l’implémentation d’une première génération d’algorithmes électroniques sur tablettes assurant une évaluation et une prise en charge personnalisées du patient (ALMANACH). La deuxième génération de cet outil mobile connecté à des biosenseurs et tests rapides (ePOCT) guide le soignant tout au long de la consultation, l’aide à identifier les caractéristiques personnelles du patient et lui permet d’estimer si la prescription d’antibiotique est nécessaire ou, le plus souvent, inutile. L’implémentation de cette deuxième génération d’outil électronique s’est révélée très efficace pour soigner les enfants atteints de fièvre. Elle a notamment permis de baisser de façon drastique l’utilisation abusive d’antibiotiques, de 95% à 11%.

L’innovation au service de la médecine personnalisée

En s’appuyant sur des innovations techniques simples et peu coûteuses, le nouvel outil ePOCT+ a le potentiel d’améliorer considérablement la prise en charge et la santé des enfants malades. ePOCT+ bénéficiera d’importantes innovations technologiques et analytiques. L’équipe espère pouvoir adapter les algorithmes en temps réel en fonction de l’évolution des épidémies et des populations et révolutionner la réponse clinique aux changements environnementaux, sur le plan individuel et collectif.

Le nouvel outil mobile devrait permettre de mieux identifier les enfants atteints d'une maladie grave qui nécessitent un traitement immédiat, réduisant ainsi la mortalité. L’utilisation rationnelle des antipaludiques et des antibiotiques devrait également entraîner et une guérison plus sûre et rapide des infections les plus fréquentes et une diminution de la résistance aux médicaments. Sur le plan collectif, la surveillance informatisée permettra de mieux identifier l’apparition d’épidémies localisées et de favoriser, en plus de la modification de l’algorithme de prise en charge des patients, des interventions appropriées, comme une campagne de vaccination ou d'autres mesures préventives. À l’échelle nationale de la Tanzanie, l’outil pourrait donc permettre d’éviter chaque année 1 million d’échecs thérapeutiques, ainsi que la prescription inutile de 28 millions d’antibiotiques.

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